Les corsaires Dunkerquois
Dès le XVe siècle, de part sa position privilégiée sur les routes maritimes du nord de l'europe, (Dunkerque a été successivement bourguignone (donc faisant partie des pays-bas), Espagnole, puis Française). Son port est protégé par des hauts fonds, mouvants, faits de sable. C'est un piège pour tout navire ne connaissant pas la carte des fonds. Et un poste idéal pour toute activité d'interception de navire.Aussi, les corsaires dunkerquois ont pratiqué la course sous trois pavillons différents, mais ont comme point commun de représenter une part importante de la culture de la ville, et de la flandre maritime en particulier. Deux métiers s'offraient alors aux dunkerquois : pêcheurs de haute mer, ou corsaires. Sans que l'on puisse garantir une vie plus longue avec l'une ou l'autre de ces activités, tant les dangers de la mer étaient réels.
Les deux professions féminines les plus courantes étaient femme de pêcheur, et veuve.
Pour les marins Dunkerquois pratiquant la course, l'ennemi est à peu près tout ce qui flotte, qu'il soit cousin ou non.
« Pour être un bon corsaire, il faut avoir du poil au menton.
Jan, Piet, Joris et Cornille,
Ils ont de la barbe, ils ont de la barbe.
Jan, Piet, Joris et Cornille,
Ils ont de la barbe, ils navigueront avec nous »
-- Extrait et traduction de Kaperslied, chanson dunkerquoise qui serait du XVIe siècle.
C'est pourquoi Louis XIV, nouveau propriétaire de la ville, est d'abord réticent à laisser faire les Dunkerquois. Mais il encourage officiellement la course, sachant bien que sa marine de guerre est insuffisante pour tenir à l'écart les provinces unies, les anglais, et les espagnols.
C'est l'épisode de Texel qui va le convaincre tout à fait. Après avoir perdu un convoi de 170 navires chargés de blé, capturés par les hollandais, Le Dunkerquois Jean Bart réussira à reprendre 30 navires au large de Texel, aujourd'hui aux Pays-Bas, et sauver la france de la famine.
Jean Bart en sera annobli, et Dunkerque sera fortifiée par Vauban comme citadelle militaire.
Dans la mémoire collective, Jean-Bart deviendra un héros, et sera chanté, comme le furent Jan, Piet, Joris et Cornille.
Un autre moment marquant de la vie du pays dunkerquois, était le départ des navires de pêche au hareng, ou à la morue, en haute mer. Nombre de « pêcheurs à l'Islande », partis pour 6 mois ou plus, ne reviendront pas au pays, coulés par un grain, ou arraisonnés par un « Kap'r » qui ne soit pas dunkerquois.
Les marins touchaient 50% de leur solde avant le départ, qu'ils donnaient en partie à leur famille restée à terre, et qu'ils brûlaient en partie dans une fête de débauche et de liesse qui durait plusieurs jours.
Réminiscence de ce passé, le carnaval de Dunkerque unit tous les citoyens durant plus d'un mois, avec une « bande » et un « bal » tous les dimanche dans toute la flandre maritime. Son apothéose, les « 3 joyeuses », sont les bandes de Dukerque, de la Citadelle (le port), et de Rosendael (une commune limitrophe). Le week-end précédant le carème, durant trois jours, les dunkerquois toutes classes sociales confondues, partent faire la fête sans s'arrêter, à grand renforts de bière, de musique, et de blagues potaches.
À la toute fin du Carnaval, les dunkerquois agenouillés autour de la statue du Corsaire, les bras tendus vers le ciel, chantent le premier couplet de l'hymne à Jean Bart :
« Jean Bart, Jean Bart,
Salut à ta mémoire,
De tes exploits, tu emplis l'univers.
Ton seul aspect, commandait la victoire,
Et sans rival, tu règnas, sur les mers…
Jusqu'au tombeau, France mère adorée,
Jaloux et fiers d'immiter ta valeur,
Nous bénirons ta banière sacrée.
Sur l'océan, qui fût ton champ d'honneur (bis).
Jean Bart, Jean Bart,
La voix de la patrie,
redit ta gloire et ta joie immortelle !
Et la cité, qui te donna la vie
Érigera, ta statue en autel (bis) ! »
-- Cantate à Jean Bart, Joseph Fontemoing et David Riefenstahl, 1845
Il n'y a pas de statue de Jean Bart dans chaque ville de flandre maritime, il n'y en a qu'une seule. Mais le même hymne est chanté dans toutes les communes pratiquant le carnaval de Dunkerque. Il y a, en revanche, les carnavaleux agenouillés, dans une communion païenne unissant la piraterie légalisée, et la pêche au long cours, très ancrée dans leur mémoire collective.
Hormis la mer, on retrouve comme point commun entre ces deux pratiques la force de caractère d'hommes et de femmes, qui ont su au long des siècles conserver une histoire et une culture, quel que soit le « maître à bord ».
« Vivent les enfants d'Jean Bart,
Qui sont de joyeux gaillards,
Pour les fêtes et pour les bals du carnaval ;
Vivent les enfants d'Jean Bart,
Qui sont de joyeux gaillards,
Pour les fêtes et pour les bals du carnaval ! »
-- Chanson populaire dunkerquoise.